Léger : un nom familier, puissant. Léger, c’est d’abord Fernand, figure phare des premières heures du cubisme, pilier de l’avant-garde, un artiste unique en son genre. Mais Léger, c’est aussi Nadia. Nadia Léger, née Nadia Khodossievitch, connue également sous le nom de Nadia Petrova : une artiste aux identités plurielles qu’il est grand temps de réintroduire dans l’histoire de l’avant-garde. Une figure parfois éclipsée par la postérité, au profit des lumières, peut-être trop éclatantes, d’un Picasso ou d’un Matisse. Affirmer ce nom, célébrer son originalité, donner un espace dans lequel faire rayonner son art oublié, c’est précisément le pari (réussi) de l’exposition Nadia Léger. Une femme d’avant-garde, présentée au Musée Maillol du 8 novembre 2024 au 23 mars 2025.
Une exposition-vie
Pensée comme une balade chronologique à travers la vie et l’œuvre de l’artiste, l’exposition nous invite à découvrir Nadia Léger dans toute sa complexité et le long d’une sorte de récit initiatique en plus de 150 peintures. En déambulant au fil des œuvres, l’on découvre ses engagements esthétiques et politiques, tout empreints de ses convictions propres, et de ses revendications personnelles.
Aussitôt entrés dans l’aventure en tableaux que présente l’exposition, l’on est mis face à un véritable panthéon personnel : des figures tutélaires – Marie Curie, Tolstoï, Chagall,… – ayant guidé ses valeurs, inspiré sa vision artistique et son cheminement personnel.
On déambule ainsi de salle en salle, à la rencontre d’une artiste à la personnalité fascinante, engagée et avant-gardiste. Grâce au déroulement chronologique, on suit son émancipation progressive des principes initiaux de Fernand Léger, découvrant comment son amour pour la Russie et son engagement politique se mêlent à sa pratique artistique pour produire une œuvre profondément originale.
Le parcours culmine dans les dernières salles, où son esthétique s’épanouit dans un style futuriste marqué par l’imaginaire de la conquête spatiale des années 60, et porté par des figures majeures, notamment, en ce qui concerne Nadia Léger, Youri Gagarine. De ses premières créations aux expérimentations graphiques des dernières années, l’exposition révèle une trajectoire artistique à la fois unique et encore trop méconnue, nous offrant une exposition de couleurs et de pratiques, un ensemble riche et diversifié vers lequel il faut absolument courir.
Interroger l’histoire de l’art
En filigrane, cette exposition pose une question essentielle : pourquoi Nadia Léger, artiste prolifique et visionnaire, a-t-elle été presque effacée des récits dominants de l’histoire de l’art ? Ses œuvres, notamment ses portraits à l’esthétique graphique affichés au sein de son panthéon, anticipent pourtant et clairement des mouvements comme le Pop art. Elles témoignent d’une audace créative qui mérite d’être replacée au cœur de l’avant-garde du XXe siècle.
Cet oubli n’est pas un cas isolé. La question des artistes femmes demeure un enjeu complexe dans le monde de l’art et de la recherche en général. Invisibilisées ou reléguées à des positions secondaires, leur reconnaissance tarde souvent à venir, ou est souvent mâtiné de reticences.
Grâce à des initiatives comme cette exposition ou encore celle actuellement présentée au Grand Palais, L’Âge atomique, qui met en lumière les travaux de la Suédoise Hilma af Klint, nous pouvons peut-être enfin commencer à réécrire une histoire de l’art plus inclusive et nuancée, où des figures de l’ombre retrouvent enfin leur lumière.
Léger : un nom, deux artistes
Que cette exposition nous invite ainsi à repenser le nom « Léger » comme une réalité artistique duelle et partagée : Nadia et Fernand, Fernand et Nadia. Deux vies, deux peintres, deux œuvres.
Célébrons les deux, mais aujourd’hui, pensons surtout à elle. Prenez le temps de (re)découvrir son apport unique à l’avant-garde et son influence dans l’histoire de l’art
Clara Tomašević
Du 08 novembre 2024 au 23 mars 2025
Musée Maillol, 59 rue de Grenelle, 75007, Paris
Du lundi au dimanche de 10h30 à 18h30, et de 10h30 à 22h00 le mercredi.
Prenez vos billets : https://museemaillol.com/tickets/