« Paris et nulle part ailleurs », la nouvelle exposition du Musée de l’Histoire de l’Immigration

Jean-Paul Ameline, commissaire de l’exposition Paris et nulle part ailleurs, pose un regard neuf sur la capitale, entre 1945 et 1972, en tant que lieu privilégié d’émulations artistiques. À travers une centaine d’œuvres de 24 artistes d’origine étrangère, l’exposition aborde les thèmes de l’exil, de l’hybridation des cultures, du rapport aux choses et au monde, et d’un art qui aurait valeur de langage universel.

Pourquoi venir à Paris ? Les trajectoires des artistes varient. Certains sont attirés par le prestige de l’École de Paris, encore influente malgré son déclin depuis l’Occupation. Pour d’autres, l’émigration est contrainte par des facteurs politiques. Cependant, quelles qu’en soient les raisons, la nostalgie du pays d’origine est commune à ces artistes qui vivent en exil. Hervé Télémaque l’exprime avec Mornes, une sculpture murale faite de marc de café.

Au contact de la culture française, les artistes étrangers entrent en dialogue avec les mouvements artistiques parisiens, et leurs œuvres deviennent hybrides. Elles traduisent parfois un rejet de leur culture d’origine, comme Vent, le tableau mêlant calligraphie chinoise et abstraction de Zao Wou-Ki. Elles disent également souvent quelque chose de leur ville d’adoption, telle Paris, la nuit de Maria Helena Vieira da Silva.

Se retrouver dans la position d’étranger pousse les artistes à interroger leur perception du monde qui les entoure. L’avènement de la société marchande leur offre de nouveaux sujets de réflexion. L’italienne Milvia Maglione place par exemple les choses du quotidien au centre de son travail, notamment avec ses toiles cousues d’objets.

La section la plus impressionnante est — à notre avis — celle qui traite de la recherche d’un art universel, qui débouche sur l’art optique et cinétique. Faisant appel aux sens à l’aide de formes et de couleurs, ils sont accessibles à tous. Nous retenons tout particulièrement l’œuvre à grande échelle Orion MC, de Victor Vasarely, et le Labyrinthe de Transchromie B imaginé par Carlos Cruz-Diez.

Cette exposition très dense trouve sa place dans le bâtiment monumental qu’est le Musée de l’Histoire de l’Immigration. Exigeante, elle nécessite de prendre son temps. En effet, elle met en relation des œuvres que peu de choses rapprochent, ni le pays d’origine de l’artiste, ni le contexte politique de réalisation, ni le médium employé, ni même parfois le mouvement artistique dans lequel elles s’inscrivent. Toutefois, cela vaut la peine de s’y attarder, car la richesse et la complexité de Paris et nulle part ailleurs offrent un point de vue unique sur la vocation cosmopolite de la ville lumière, et sur la capacité de l’art à inventer un langage universel.

Marie Agassant

Du 27 septembre 2022 au 22 janvier 2023

Musée de l’Histoire de l’Immigration, 293 avenue Daumesnil, 75012 Paris

Ouvert le mardi, jeudi et vendredi de 10h à 17h30, le mercredi jusqu’à 21h et le samedi et dimanche jusqu’à 19h