« Wear the future », le défilé de l’école de luxe et de mode EIDM

Ambiance moirée, Daft Punk, peuples nomades et mystiques émergeant d’un monde dystopique, voilà les mots qui pourraient décrire le défilé « Wear the future » de l’école EIDM.  S’articulant autour de la mode tech, les 9 collections créées de toutes pièces par les élèves du bachelor 1 ont défilé ce vendredi 31 mars 2023 dans un cadre unique, la Philharmonie de Paris.

Dès que l’on entre dans la Philharmonie, on a l’impression de monter à bord d’un vaisseau spatial qui va naviguer dans les astres. Cette idée est reprise dans le choix de scénographie de la salle du défilé. Cette dernière, ressemble à une cave futuriste au plafond composé d’une myriade de petites facettes reflétant la lumière dorée des projecteurs. On est accueillis par une brume donnant à la lumière un aspect de volute et par des basses en musique de fond. Le catwalk est assez sobre, fait d’aluminium strié et serpentant les bancs où sont assis les invités. Ces derniers sont majoritairement des parents ou proches des élèves, des influenceurs et parmi eux est assis le parrain de ce défilé, Baptiste Giacomini, protégé et fils spirituel de Karl Lagerfeld. De part et d’autre de la salle se trouvent des panneaux nous souhaitant la bienvenue au défilé et présentant la conception en 3D de certaines pièces.

Le pré-show débute à 20h25 où des lasers, sur la musique de Daft Punk I Rise You Fall  nous entraînent dans leur chorégraphie stroboscopique. On a l’impression d’être dans un film futuriste à la Tron, où nous sommes sur le point d’être projetés dans un monde nouveau et dangereux. La musique est grandiose et augmente l’anticipation de tous lorsque soudainement, tout devient noir et le show commence. 

La collection Kalista ouvre la marche. Elle présente des tenues ocres ou sable s’inspirant de Dune et de Star Wars, avec des tissus éthérés donnent une notion de pouvoir à cette civilisation du futur. Reflet prend la suite avec beaucoup d’accents métalliques (jusqu’au bout des doigts), des cheveux gominés et des crop-gilets. Les tenues argentées et moulantes font penser aux illustrations de Hajime Sorayama.

On passe à des looks argentés et blancs à des looks complètement noirs, au maquillage sulfureux et accentuant les yeux des mannequins. Nous sommes passés à la collection Leatherix se composant d’harnais, de faux et vrai cuir, et qui présente des pièces qui pourraient être retrouvées en Rave ou devant le Berghain de Berlin.

Puis, une mannequin auréolée d’or de la collection Chromatica arrive, coupant le souffle au public. Elle passe parmi les spectateurs telle une reine alien avec ses sujets la précédant. On peut remarquer une ligne conductrice : l’utilisation de plumes peintes pour donner un côté divin et armuré aux mannequins. On peut noter un deuxième look particulièrement réussi, un bodysuit véritable bijou de corps, digne de Victoria Secret. Des looks punks (et qui ressemblent beaucoup à une version contemporaine d’Edouard aux mains d’argent) lui font suite, c’est la collection HEOM qui passe le flambeau à la surprenante collection Ere sybilline. On y retrouve un motif de chaine récurrent, et où non seulement on voit les pièces mais on les entend. Cette collection apporte une touche de couleur, du bleu Arthur, à un défilé plutôt noir et argenté. Les pièces ont été travaillées avec attention, surtout le duffle coat en vinyl noir qui donne une touche street parfaite au jumpsuit bleu Arthur moulant à découpures.

                                                                      

La dernière collection Trinity fait directement écho à la robe portée par Lady Gaga aux MTV Video Music Awards de septembre 2009. Cuir et dentelle se mélangent pour former la pièce qui clôt le spectacle, une interprétation de la sempiternelle robe de mariée, ici noire et androgyne.

Tonnerre d’applaudissements, les modèles défilent avec l’élève qui a supervisé le travail de groupe, suite à cela la directrice prononce un discours ému visant à féliciter les élèves qui ont créé les tenues ainsi que ceux qui ont géré tout ce qui touchait à la communication. Elle remercie les sponsors, les équipes de la Philharmonie et le parrain de l’école. La soirée se poursuit par un cocktail où les élèves retrouvent parents et amis pour profiter de leur succès.

A cette occasion, Alexandre créateur et modèle de la collection Trinity (qui a été créée par un groupe de huit élèves) a pu nous parler du défilé qui est un « projet annuel du bachelor ». Projet qui a dû être réalisé en un laps de temps très court, car bien que le dossier ait été créé au premier semestre, la réalisation et le fitting n’ont eu lieu que sur trois mois, et les élèves devaient en même temps assister aux cours. De plus, pas de budget alloué par l’école signifiant que les élèves ont fait le choix d’utiliser des matériaux upcyclés (choix qui s’inscrit bien dans la continuité du message des élèves qui nous met en garde contre la surconsommation par ses concepts de futur nihilistes). Pas d’accès non plus à des technologies futuristes tel que présentent les créations d’Iris Van Herpen, les élèves ont inventés le futur avec des matériaux du passé. C’est d’ailleurs l’une des volontés de la collection d’Alexandre, c’est-à dire tout mélanger, que cela soit ethnicité, époque genre ou style. Il est par ailleurs ravi de ce défilé car cela a lui a permis de « dépasser ses limites » et de se prouver à lui-même qu’il était capable de s’engager à 100% dans cette voie qu’il a choisi en prenant du plaisir. Prendre du plaisir et s’amuser sont les maîtres-mots prononcés par les professeurs lors de la création du défilé. L’école EIDM étant la première et seule école proposant un défilé lors de la première année, le casting de modèles était ouvert à tous, tant que les personnes étaient grandes et photogéniques (même dénuées de toute expérience).

Ce défilé était donc une très belle première expérience pour ces designers et modèles passionnés par la mode, qui nous ont empli les yeux de leur idées bourgeonnantes de ce qui sera peut-être la mode du futur.

Clara Alle