Fly me to the moon ou la toute-puissance des rêves

Avez-vous déjà imaginé votre vie si vous étiez né à l’autre bout de la planète ? Avec une langue, une couleur de peau ou des habitudes radicalement opposées ?

C’est tout le fil de l’imaginaire qui est déployé lorsque l’on commence à réfléchir avec des “si…”

Et si Maggy ne s’était pas trompée de numéro ?

C’est ainsi que débute le nouveau spectacle tout public de Virginie Mathelin et Jean Luc Bertin, présenté par la compagnie du semeur au Studio Hébertot qui met en scène la rencontre fortuite de Maggy (Laure Millet) et Jack, (Samir Adame), deux enfants de bientôt onze ans que tout semble opposer.

L’une habite Londres, voue une admiration sans limite aux Beatles et souffre d’une maladie dont le nom l’effraie. Tandis que Jack est un jeune afro américain venant d’emménager à Houston où son père travaille en tant qu’homme de ménage à la NASA.

C’est d’ailleurs le concours lancé par l’agence spatiale qui motive l’action : Jack soumet l’idée d’un casque spécial, permettant aux enfants atteints de la maladie de la lune, comme Maggy, de vivre sans craindre le soleil.

On nous présente donc rétrospectivement la naissance de cette amitié, née d’une erreur téléphonique mais qui va combler la solitude respective des deux protagonistes.

Ils vont partager leurs rêves, la souffrance de se sentir “différent” au quotidien et leur relation est aussi touchante que leurs personnalités antinomiques.

Dans le contexte du bouleversement culturel et sociétal qui a marqué la fin des années 60, les deux enfants tentent de trouver leur place, de saisir cette frénésie qui les attire et en même temps leur fait peur puisqu’ils en sont exclus.

“Comment pourrai-je aller au concert des Beatles malgré ma maladie ? Papa m’a promis !”

C’est réellement la révolte qui anime leurs combats respectifs et qu’ils s’aident à surmonter : Jack n’ose pas aborder la fille du collège qui lui plaît par crainte d’être moqué ; Maggy lui écrit une chanson à interpréter dans la chorale.

Une telle solidarité entre ces personnages, soutenue par le jeu fusionnel des acteurs, donne à voir un spectacle énergique dans lequel l’espoir tient la première place : ne pas abandonner, jamais, malgré le manque d’amis, la moindre présence des parents, les moqueries et la vulnérabilité physique.

A travers ces coups de fils enfantins, ce sont les failles profondes de la société qui sont soulevées, et la candeur de leurs réactions redonne la force du combat.

En effet, l’action est ancrée dans une période de mutations multiples qui n’est pas sans rappeler celle que nous traversons aujourd’hui et dont les thèmes persistent : racisme, ségrégation, liberté et réalité.

Nos deux protagonistes cherchent par-dessus tout à s’affranchir, et la souffrance liée à cette transition peut aussi être accompagnée d’instants radieux.

Ici la mise en scène soutient totalement ce double projet artistique et pédagogique en proposant une immersion au cœur des années 60, notamment à l’aide d’un support vidéo constitué de différentes images d’archives (missions Apollo 8 et 11, discours de Martin Luther King, Beatlemania) et également des séquences d’animation expliquant de manière dédramatisée la maladie dont souffre Maggy.

Autant de supports visuels agissent comme des sous titres et facilitent la compréhension immédiate du contexte.

Les jeux de lumière matérialisent le passage d’un espace à un autre : de Londres à Houston, de la cour d’école à la chambre. On passe subtilement d’un point à l’autre du fuseau horaire.

Ces variations matérialisent en outre la distance physique entre les deux enfants qui ne se résout qu’au moment de leur rencontre finale.

La création musicale et sonore nourrit la couleur locale : certains standards de l’époque tels que les Beatles, Marvin Gaye, Jack Brown ou encore David Bowie sont revisités, on entend aussi des voies préenregistrées qui rendent présent le monde des adultes.

Des transitions à la guitare, jouées par Maggy, accompagnent les ellipses temporelles et fluidifient le déroulement de l’action qui passe d’une situation hasardeuse, au choix d’avancer main dans la main

Fly me to the moon s’inscrit ainsi dans le sillage d’une volonté de sensibilisation à la différence déjà amorcée par la compagnie en 2002 et qui a été la ligne directrice de plusieurs projets depuis.

Une préparation pédagogique est d’ailleurs proposée en amont du spectacle et invite à cibler différents thèmes que le spectacle interroge :

  • La maladie de Maggy et et le racisme vécu par Jack
  • Quelle révolution sociétale aujourd’hui ?
  • Le phénomène Beatles en Angleterre et James Brown, Jimi Hendrix, Marvin Gaye aux Etats-Unis.
  • Les avancées technologiques en termes de communication : téléphone, vieux poste télévision, envoi de lettres…

L’équipe artistique :

Mise en scène : Jean Luc Bertin et Virginie Mathelin – Scénographie : Stéphanie Vareillaud – Lumières : Jean- Luc Chanonat – Costumes : LE LAB Teddy Parra – Musique originale : Alexandre Saada – Animation : Laura Van Moere – Voix off : Aurélie Boquien, Benoît Basset, Cerise Bloc

Joséphine Renart

Du 4 novembre 2023 au 27 janvier 2024 – Les samedi à 17H – Durée : 1h05 – A partir de 8 ans

Studio Hébertot, 78 bis Boulevard des Batignolles, 75017 Paris

https://studiohebertot.com/spectacles/fly-me-to-the-moon/