Car/Men

Revisiter une œuvre aussi mythique n’a rien d’aisé. Le faire avec révérence, intelligence et modernité… encore moins. C’est pourtant le défi que s’est lancé le chorégraphe Philippe Lafeuille, fort de son précédent succès avec le spectacle Tutu. Lorsqu’il proposa une adaptation libre du la Nouvelle Carmen de Prosper Mérimée sous la forme d’un opéra-comique, Georges Bizet s’attacha à donner au personnage de Carmen une liberté en totale rupture avec les carcans de l’époque. Bizet rencontra de farouches oppositions et ce n’est qu’à titre posthume que son travail embrassa une gloire qui ne se dément pas à telle enseigne qu’il s’agit désormais de l’opéra le plus joué au monde.

On peut légitimement s’interroger sur l’intérêt de monter toujours et encore les œuvres du répertoire. Mais dans le cas d’espèce, la réussite est totale. Irrévérencieux sans aucune velléité de choquer, Car/Men joue sur le mot et sur les codes, les triture, les malmène, les casse. Contrairement à l’idée que l’on peut s’en faire a priori, le fait de confier l’ensemble des rôles à des hommes n’en constitue pas le seul gage. Car peu à peu, la question du genre, certes sous-jacente, ne se pose plus tellement. Comme aux origines du spectacle vivant, tel ou tel personnage s’incarne chez des artistes qu’il demeure vain de résumer à leur sexe et moins encore à leur orientation sexuelle. La (re)visitation évoque, sans enfoncer de portes ouvertes, des thématiques sociétales très actuelles. Lafeuille compose des tableaux pop, frais, drôlissimes et dit bien des choses sur notre époque, notre rapport à l’autre, sans avoir l’air d’y toucher et avec espièglerie.

On soulignera ainsi le caractère un peu queer et assez punk de cette proposition… inventant un style Qu/unk tout en maintenant une réelle exigence artistique et chorégraphique. Le spectateur voit évoluer sur scène des comédiens qui savent tout faire, chanter, danser, jouer la comédie, faisant montre de rigueur et d’autodérision tout à la fois. Les références sont légion. Toute l’imagerie hispanique passe en revue avec un humour foudroyant et je ne saurais trop vous conseiller de vous précipiter pour réserver ce qui constitue pour moi le meilleur spectacle auquel il m’a été donné d’assister cette saison. D’où une envie irrépressible de votre serviteur Vents d’Orage de rencontrer le chorégraphe et metteur en scène pour qu’il nous dise avec ses mots à lui ce qui le fait vibrer et le plaisir qu’il prend jusqu’à cet épilogue scénique dont je ne révèlerai rien :

(lien vers le fichier audio)

Le pitch :

Après plus de cinq ans de tournée et plusieurs séries à Bobino avec Tutu, les Chicos Mambo sont de retour dans une nouvelle création : Car/Men. Mis en scène par Philippe Lafeuille, l’ouvrage de Bizet se voit revisité par huit danseurs et un chanteur virtuoses qui, avec fantaisie, tendresse et dérision, se jouent du masculin et du féminin. Un show chorégraphique mêlant humour, théâtre, chant, clown, théâtre d’objets et vidéo.

Cette Car/Men moderne est sublimée par la fluidité des corps ainsi que la voix lyrique de haute volée du chanteur, évoluant dans un tourbillon de couleurs. Une chorégraphie précise et originale, ponctuée d’humour bien dosé : une véritable Carmen 2.0 !

David Fargier – Vents d’Orage

Bande annonce

Car/Men

Auteur : Georges Bizet ; Adaptation libre : Philippe Lafeuille ; Chorégraphie : Philippe Lafeuille ; Artistes : Chicos Mambo

Jusqu’au 27 février 2022

Le Théâtre Libre, 4 boulevard de Strasbourg, 75010 Paris

Réservations