Les génériques d’En corps et de Tout le monde aime Jeanne reçoivent le prix Rosalie

La Nuit du Générique, événement organisé par l’association We Love Your Names, a récemment tenu sa 9ème édition au Forum des Images, offrant une occasion de célébrer l’art souvent méconnu des génériques. Cette année, le prix Rosalie, qui distingue le meilleur générique de film ou série de l’année 2022, a été décerné à deux lauréats ex-aequo : les génériques des films En Corps et Tout le monde aime Jeanne.

Honorée, Cécile Devaux, réalisatrice du film Tout le monde aime Jeanne et du générique aux côtés de Rosalie Lonchin, André Bernardo et Giovanni Smeraldi, nous confie même préférer parfois les génériques aux films eux-mêmes. L’équipe du générique d’En Corps, film de Cédric Klapisch, composée de François Colou, François Vaugel, Éric Brocherie, Hofesh Shechter et Thomas Bangalter, est également très heureuse que son travail ait été reconnu et récompensé ce soir.

En acceptant leur prix, les créateurs du générique d’En Corps en ont profité pour nous éclairer sur leur processus créatif et leurs inspirations. François Colou, concepteur et animateur du générique affirme que « L’idée du générique d’En Corps vient de deux idées qu’on avait avec Cédric [Klapisch]. La première idée, elle vient d’un photographe-cinéaste, dont je ne me rappelle plus le nom, qui s’amuse à faire de grands plans-séquence sur des quais de métro au ralenti. De très très long plans. Et c’est ce qu’on retrouve avec les danseuses. On cherchait aussi autre chose et on a découvert le travail de François [Vogel] et on trouvait qu’il y avait réellement un truc à faire, un mélange à réaliser entre ces images là et son travail qui correspondait aussi à l’histoire du film : de la danseuse qui se casse quelque chose et qui, du classique, va ailleurs, vers la danse contemporaine. Et voilà, je suis super content d’avoir travaillé avec François, je ne le connaissais pas, je l’ai découvert et je trouve que le résultat est formidable. Merci en tout cas, très honoré ».

François Vogel, graphiste animation, rajoute « On a eu la chance de travailler sur des images incroyables et une musique hyper puissante », rappelant ainsi l’importance de la musique et du visuel.

Quant à Cécile Devaux, à l’animation et la réalisation, elle n’hésite pas à faire l’éloge du générique. « Merci, merci au jury. Merci beaucoup. Moi aussi, j’ai travaillé sur des images puissantes. Je suis extrêmement honorée puisque les génériques ont énormément d’importance dans ma jeune cinéphilie. Je pense qu’ils ont presque pris le pas sur certaines expériences de film, je les aimaient davantage que les films parfois. Celui-là, je l’ai fait avec ma collaboratrice de longue date qui s’appelle Rosalie ! Comme le prix Rosalie *rires*. Elle a travaillé avec énormément de grâce et de goût sur ce générique que j’aime énormément donc merci. »

Quatre génériques étaient en lice : ceux des films En Corps, Tout le monde aime Jeanne, ainsi que ceux des séries Toutouyoutou et Irma Vep.

Le jury du prix Rosalie, quant à lui, était composé de 7 experts de l’audiovisuel et du graphisme : Guillaume André, auteur et réalisateur ; Cécile Chavepayre, directrice de création chez Arte ; Maxence Dussère, compositeur ; Yu Hu, motion designer et directrice artistique ; Raphaël Meyssan, auteur, graphiste et réalisateur ; Diane Boivin et Silvia Dore, du studio de direction artistique et de graphisme Stereo Buro.

Toutefois, avant de décerner le prix Rosalie, La Nuit du générique était consacrée à l’art du générique dans sa globalité : des secrets de créations aux difficultés rencontrées, de la relation avec le réalisateur de l’œuvre visuelle à la réaction qu’il doit susciter chez le spectateur.

 « Le moment des génériques, c’est souvent le moment où vous allez chercher votre thé avant le début du film », affirme Peter Anderson, fondateur du studio britannique de motion design éponyme. Son studio fondé en 2006 a réalisé, entre autres, les génériques de la série Sherlock, Bad Sisters, The Fall ou encore Good Omens. Peter Anderson et Alex Knowles, directeur de création, se réjouissent alors de voir la salle du Forum des Images remplie, preuve de la curiosité et de l’intérêt de certains pour cette discipline.

Pourtant, bien que souvent sous-estimés et considérés comme des éléments oubliables des œuvres visuelles qu’ils introduisent ou clôturent, les génériques de début jouent un rôle clé : ils accueillent le spectateur et le plongent dans l’univers de l’œuvre, créant une forme d’excitation et semant souvent des éléments qui prendront sens plus tard.

Vous vous rappelez aussi sûrement l’univers des génériques de James Bond, de La Panthère rose ou encore de Sueurs froides d’Alfred Hitchcock. Si vous vous en souvenez, c’est sûrement que la musique, le graphisme et le typographie y sont pour quelque chose. Pour Carole Desbarats, critique et historienne du cinéma, les génériques ont le pouvoir de donner la note émotionnelle des films, d’introduire le chemin qui sera entreprit par la suite. Est-ce une comédie ? Un drame ? Un film de genre, d’époque ou un policier ? Le générique d’ouverture peut permettre l’esquisse d’une réponse. Quant au générique de fin, il permet une dernière action sur le film : il peut éclairer le spectateur sur un élément de l’œuvre qui n’a peut-être pas été compris, il peut aussi annoncer une suite ou, comme nous l’avoue Anaïs Mak, créatrices de film et de génériques, être un endroit où le réalisateur règle ses comptes en plaçant le nom d’un tel à la fin ou un autre plus gros.

A l’issue de la soirée, on se questionne inévitablement sur les génériques qui nous ont marqué. Le premier qui me vient à l’esprit, c’est celui de Charlie et la Chocolaterie de Tim Burton. Tim Burton, que l’on peut aussi qualifier de cinégraphiste tant ses œuvres sont personnelles et créatives. Je me rappelle tout particulièrement la bande originale de Danny Elfman et sa musique du générique de début à la fois inquiétante voire hypnotisante, poignante et si justement en accord avec l’univers du film.

Quant à la reconnaissance des créateurs de générique en France, une bonne nouvelle a également été annoncée par Laure Chapalain, présidente de l’association We Love Your Names fondée en 2008 : « Grâce à nos actions et à l’implication de Roxanne Fechner, superviseuse et productrice d’effets spéciaux, administratrice à l’Académie des Césars, à partir de septembre 2023, toutes les créatrices et créateurs de génériques qui peuvent prouver qu’elles/ils ont réalisés 5 génériques pour des films français sortis en salle les 5 dernières années, pourront devenir membre de l’Académie des Césars. C’est la preuve d’une jolie reconnaissance et on espère que ce n’est que le début ».

En effet, l’association de Laure Chapalain, souhaite promouvoir l’art des génériques. Son but est de mettre en avant l’exercice de style qu’ils représentent et surtout le travail de ses créateurs et créatrices dont le métier consiste à valoriser le noms des autres – d’où le nom de l’association. Le générique de fin du film Bollywood Om Shanti Om, sorti en salle en 2007, en est le parfait exemple. Si vous ne l’avez pas encore vu, je vous invite à le faire, rien que pour vivre en condensé dans l’atmosphère de ce film qui se veut à la fois comique, romantique, dramatique et musical.

Alors, allez-vous continuer d’« ignorer l’introduction » sur Netflix ?

La Nuit du Générique a également été ponctuée d’interventions et discussions entre spécialistes : Carole Desbarats (critique et historienne du cinéma), Rafik Djoumi (journaliste culturel, chroniqueur Rockyrama) et Alexandre Vuillaume-Tylski (maître de conférences, auteur-réalisateur) autour du thème « Portrait de Los Angeles ». Ainsi qu’un échange entre les créatrices de film et de génériques Anaïs Mak et Chloé Mazlo avec le réalisateur de film et de génériques Alexandre Athané à propos de la création française.

Maya Choserot

Génériques nominés pour le prix Rosalie 2023 :

– Générique de Toutouyoutou : Une série de Maxime Donzel, Géraldine de Margerie et David Coujard ; Générique : Nevil Bernard ; Musique : Clément Doumic, Antoine Wilson et Sébastien Wolf

– Générique d’Irma Vep : Une série d’Olivier Assayas ; Design du générique : Stéphane Manel ; Animation : Oerd Van Cuijlenborg et David Devaux ; Titre de fin et intertitres : Samy Baudouin ;  Musique : “Ya Habibti” de Mdou Moctar

– Générique de Tout le monde aime Jeanne : Un film de Céline Devaux ; Animation : Céline Devaux ; Assistante à l’animation : Rosalie Loncin ; Infographiste (vidéo animation) : André Bernardo ; Musique : Ad Gloriam de Giovanni Smeraldi

– Générique d’En Corps : Un film de Cédric Klapisch ; Conception et animation du générique : François Colou ; Graphiste animation : François Vogel ; Direction artistique graphique : Eric Brocherie ; Musique : Hofesh Shechter et Thomas Bangalter

Site de We Love Your Names : https://www.weloveyournames.com/

Site du Peter Anderson Studio : https://www.peterandersonstudio.co.uk/

Générique de fin d’Om Shanti Om de Farah Khan : https://www.youtube.com/watch?v=4vOxOJtDOxA

Générique d’ouverture Charlie et la Chocolaterie de Tim Burton :