Soie

Soie est un roman qui catapulta Alessandro Baricco au sommet d’une popularité mondiale à la fin des années 90. Il s’agit là d’un conte au style très pur évoquant tant le voyage dans des contrées presqu’inaccessibles à la fin du XIXème siècle, que le sens de la vie d’un homme pris dans les filets de l’amour, du fantasme et de l’érotisme. Le texte fascine encore aujourd’hui pour des raisons évidentes, parsemé de litanies traduisant avec la douceur de l’étoffe dont le roman tire son titre, les pérégrinations passionnelles d’un personnage central à la vie toute tracée, lancé dans la quête de sentiments dont il sera la victime consentante peut-être plus que le protagoniste.

Adapter Soie au théâtre en mode seul en scène relève de la plus périlleuse des gageures. Et l’on ne peut a priori s’empêcher de redouter que l’exercice ne s’avère pas à la hauteur d’une œuvre aussi délicate, lue et relue comme un bréviaire tant on prend à chaque fois une plaisir intime à se glisser toujours et encore dans la peau de cet être en proie au trouble amoureux. Le pari se révèle gagnant sur tous les plans. Celui du jeu tout d’abord. Sylvie Dorliat se fond avec brio dans le rôle du narrateur et de tous les personnages, certains cocasses et truculents, qu’Hervé Joncour côtoie dans son parcours de vie. Celui de la mise en scène, bien évidemment. William Mesguich et son équipe ont su recréer sur scène l’atmosphère si sensuelle du livre, notamment par le truchement de lumières, d’ombres et de pénombres qui aspirent littéralement le spectateur sur le plateau.

On dit avec raison que la perfection n’existe pas en ce bas monde. Le roman l’atteignait pourtant et le chroniqueur que je suis, reste bien en peine de trouver la moindre faille à ce spectacle. On voudrait qu’il dura des heures. On voudrait rester pendu aux lèvres de la comédienne pour se délecter encore de ces mots si savamment agencés, drôles, profonds, enjôleurs. Le secret d’une telle réussite ? Le désir. Car en définitive, c’est de cela dont Sylvie Dorliat s’est ouverte au micro de Vents d’Orage. Fermez les yeux et écoutez :

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Le pitch : Vers 1860, Hervé Joncour entreprend quatre voyages au Japon, pour acheter des œufs de vers à soie. Dans ce pays dangereux et lointain, il va tomber follement amoureux d’une belle inconnue et cette rencontre va bouleverser sa vie.

Désir, passion, velours d’une voix, sacralisation d’un tissu magnifique sont autant de fils impalpables qui tissent cette histoire dans laquelle s’entrelacent trois beaux portraits de femme : l’inconnue fantasmée à l’autre bout du monde, l’épouse aimante et fidèle et une tenancière de bordel.

Soie parle d’amours impossibles, de sensualité, d’obsession et « du bonheur que l’on fuit de peur qu’il ne se sauve… ». Une pudique invitation au voyage et à l’amour traversée par des fulgurances érotiques, par l’auteur de Novecento.

David Fargier – Vents d’Orage      

Soie

Auteur :  Alessandro Baricco. Chorégraphie et mise en scène : William Mesguich. Avec : Sylvie Dorliat  

Jusqu’au 28 août 2022, du mercredi au dimanche

Le Lucernaire, 53, rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris

Réservations