Christian Libessart, une invitation au voyage

C’est sous le soleil méditerranéen que Christian Libessart m’accueille avec douceur et générosité. Le vent nous caresse la peau, le chant des cigales accompagnent notre discussion… Un lieu beau et simple qui reflète bien l’âme de ce peintre talentueux. Son parcours m’a impressionnée et ses anecdotes m’ont ému et fasciné.

Alors, laissez-moi vous partager ce qu’il m’a confié…

Né en 1958 à Corbeil-Essonnes, Christian Libessart est élevé par sa grand-mère. Il comble ses journées en recouvrant d’innombrables feuilles par ses dessins. A l’école, n’importe quel vide l’appelait à dessiner dans les marges de ses cahiers.

Après avoir eu son baccalauréat section économie, ses loisirs l’amènent un peu par hasard -ou par instinct- à faire une préparation aux écoles d’art.

Son incisif coup de pinceau et son talent avaient déjà été décelé par l’École Nationale des Arts Décoratifs qui l’accepta dès l’âge de 17 ans.

Il choisit la section peinture, une technique qui l’a séduit par son maniement libre, sa possibilité de création infinie. L’École Nationale des Arts Décoratifs lui aura permis d’avoir une approche plus structurée même s’il aura passé 2 ans à l’École Nationale des Beaux-Arts. Plus ses expériences se multipliaient, plus il apprivoisait et acquérait la technique picturale à la fois délicate et puissante de ses toiles.

Sa soif d’apprendre l’aura mené à restaurer des fresques dans de petites chapelles pendant ses études. Quelle joie ce peintre novice a ressenti lorsqu’il a mis à jour par hasard une fresque cachée…

Sa motivation et sa curiosité l’auront récompensé : à 30 ans, il décroche son propre atelier de la ville de Paris où il commence à travailler ses créations qu’il nous partage dans cet endroit lumineux près de la porte de Bagnolet.

Quelques temps après, il monte avec un ami une entreprise de décoration. Christian Libessart crée d’élégants trompe l’œil comme on peut en voir souvent encore aujourd’hui en Italie… Il orne salons, chambres et plafonds. Les plafonds, c’est ce qu’il préférait. La minutie lui convenait, ce grand espace vers le ciel le passionnait par son aspect grandiose et esthétique. Le plus souvent, ses sujets étaient d’inspiration florale. Imaginez ce ciel fait de végétaux magnifiés par le style « libessarien » riche de tous les détails et les couleurs qui font sa « patte » illuminant la pièce. Cette activité a décuplé sa virtuosité et sa créativité.

En 1994, Christian Libessart fait des portraits pour le film Le Colonel Chabert d’Yves Angelo avec Gérard Depardieu, Fanny Ardant et André Dussollier. Il effectue des recherches au Louvre afin de s’imprégner de la mode du début du 19ème siècle pour la robe et le style de Fanny Ardant.

Il n’a pas seulement peint pour le cinéma mais aussi pour l’évènementiel et la mode. Ses peintures ont été choisies comme décor dans le cadre de manifestation ou de publicité. Vous avez peut-être observé ses tableaux dans les vitrines d’Hermès en 1997 qui voulait mettre l’Afrique à l’honneur… Des couleurs et des scènes royales pour une vitrine élégante et unique.

Pour lui, ce n’est qu’à 30 ans qu’il remplacera les mots « je peins » par « je suis peintre ».

Des peintures de sa famille et des paysages de son enfance signent le début de son œuvre. Ce peintre travaille sur photo mais l’image figée n’est que le point de départ de son imaginaire et de sa créativité. Il change les couleurs, il gomme des choses qui lui déplaisent pour donner naissance à un univers personnel. La recherche dans les livres et sur internet précède aussi son action de création.

Sa peinture est en mouvement, expressive, riche de couleurs chaudes.

Un voyage va alors changer et abreuver son art…

En 1995, Christian Libessart part au Bénin pendant 1 mois dans le cadre d’un projet avec une association de fabrication de vêtement en indigo. Ce premier pas en Afrique l’a marqué et la suite de ses créations seront de plus en plus fastueuses et impressionnantes. C’est la genèse de deux séries, Les Rois Africains et Les Cavaliers. Elles prennent leur source dans ce voyage, très souvent sur des grands formats, ce qui classera son art dans le style Orientalisme.

Loin d’avoir un regard exotique sur le continent Africain, Christian Libessart exprime dans son art un amour pur et respectueux pour les sujets qu’il peint, il magnifie la culture africaine en mettant en avant sa fierté, son mystère, sa beauté, sa grandeur. Paco Rabanne l’a bien dit : « L’art de Christian Libessart est un regard émerveillé sur une civilisation à la fois réelle et mythique, la civilisation des royaumes africains actuels ou disparus de l’ancien continent de Gondwana : magie des attitudes, des vêtements traditionnels, des ornements d’or ».

Au Bénin, il sera témoin de plusieurs cérémonies, de rites et de sacrifices. Il fera la rencontre de 4 rois de tribus sur leur trône. Un des rois lui proposera même d’être son peintre officiel ! La culture tribale, toute l’histoire, l’ambiance et les couleurs du Bénin auront nourri son imagination et il rentre en France des idées plein la tête.

Il aura acheté des tissus et de multiples objets du pays qui l’inspirent encore et qu’il transpose au sein de ses toiles. Christian Libessart invente les couleurs et les formes des costumes. Pour lui, ce qui compte c’est la peinture et non la fidélité au réel. Il a été fasciné par toute cette beauté, ce mouvement et la vie qui régnait dans ce pays et son œuvre lui rend hommage. Cette fascination ne l’a jamais quitté et en 2001 il refait le voyage. Le bénin l’aura attiré vers d’autres pays d’Afrique du Sud (Zimbabwe, Afrique du Sud) et de l’Ouest (Mali, Burkina Faso).

Sa gamme de couleur est souvent assez sombre, très chaude. Par exemple, dans la série Les Cavaliers, les couleurs vont du doré à l’argenté avec du blanc, du rouge, … Elle nous plonge au sein de scènes assez intimistes, isolées, fortes, contenues dans beaucoup de mouvement. Ici, les chevaux sont représentés dans toute leur force palpitante et leur élégance. Ils ouvrent souvent la perspective en regardant sur la gauche ou la droite, en étant de dos ou de profil tout comme les personnages qui n’affrontent jamais le regardant par souci de créer un ailleurs, d’évoquer un bout d’une grande histoire, de guider vers un espace plus vaste…

Christian Libessart nous invite non seulement à la contemplation avec ce goût des détails tant travaillé d’un maître de la peinture qui nous subjugue mais aussi au voyage, vers un ailleurs qui nous ouvre ses portes et qui nous conte de multiples anecdotes africaines. Pascal Légitimus en est convaincu : « Le pinceau de Christian Libessart est une baguette magique qui dépose à vos pieds le continent Africain : des couleurs fauves qui adoucissent la dureté du passé, un décorum qui respire la « Noblesse Tribale », une atmosphère qui retrace la couleur de notre histoire, la sagesse de l’ancêtre qui en dit long, le regard protecteur des femmes nourricières qui inspire le respect, la nonchalance des drapés sur les corps d’ébène. Ces tableaux me parlent, j’aime le réalisme, l’authenticité, l’ambiance, la sérénité, la passion qui s’en dégagent. »

Christian Libessart nous fascine, il nous embarque pour un monde merveilleux à la beauté sans nom, au souffle onirique, précieux et altier.

Une série de nus, Nouba, qu’il a récemment réalisée amène à son œuvre une touche de modernisme dans son classicisme par ses éclaboussures de peintures aux couleurs vives. Inspirée des fêtes de tribus africaines, il peint de somptueux portraits. Ses personnages sont entourés de couleurs lumineuses qui les valorisent et les concentrent dans leur unicité puissante, dans le moment de solitude ou d’action concentrée entre deux sujets. Cela les isole du reste du monde et donne un effet très profond et touchant à cette série. Christian Libessart n’a jamais fini d’être curieux et motivé. Il reprendra des cours du soir de nus aux beaux-arts pendant 10 ans. Il m’explique que ça l’a beaucoup aidé à dessiner les mains de ses personnages qui sont le plus difficile à peindre selon leur position.

Ce peintre si exigeant peut passer un bon mois sur une toile. Si un petit quelque chose le dérange, il recommence tout pour atteindre la perfection qu’il souhaite.

Ses Maîtres se devinent dans ses toiles : Diego Velasquez avec ses portraits réalistes où la lumière sublime ses sujets ; John Singer Sargent qui l’a séduit avec ses portraits de la bonne société New-Yorkaise et Eugene Delacroix parce qu’il a peint des cavaliers et le Maroc.

Toutes ces influences l’auront mené à créer de magnifiques peintures qui ne cessent de se succéder dans la minutie et la beauté.

Cet artiste nous ébloui par ses talents. Son art est poétique et célèbre son amour pour le monde. Une belle rencontre !

Mathilde Nicot

Si vous souhaitez jeter un œil sur ses quelques toiles mises aux enchères : http://www.artnet.fr/artistes/christian-libessart/