L’horizon sans fin, de la Renaissance à nos jours

L’exposition « L’Horizon sans fin », présentée au Musée des Beaux-Arts de Caen explore la représentation de l’horizon dans l’art occidental, de la Renaissance à nos jours. Cette exposition s’inscrit dans le cadre des célébrations du Millénaire de Caen et propose un parcours riche en œuvres et en réflexions.

En bordure de mer, sur la plaine ou dans le désert, l’horizon se donne à voir dans une incroyable simplicité. Il est cette ligne, là, devant nous, où le ciel et la mer (ou le ciel et la terre) se rejoignent. Mais à y réfléchir, une série de paradoxes se présentent. L’horizon se matérialise par une ligne qui recule au fur et à mesure que nous avançons. Repère stable et fixe, il demeure pourtant inatteignable. Limite sur laquelle le regard bute, il prolonge l’espace, suggérant une étendue ouverte au-delà de ce que l’œil peut percevoir. Phénomène purement visuel, enfin, il offre une expérience physique de l’espace

L’horizon, ligne de rencontre entre le ciel et la terre, est une constante dans l’histoire de l’art. Il symbolise à la fois l’infini, la frontière, et la perspective. Depuis l’invention de la perspective à la Renaissance, les artistes ont exploré cette notion pour structurer l’espace et exprimer des idées philosophiques, politiques ou poétiques. L’exposition met en lumière cette diversité d’approches à travers une centaine d’œuvres, allant des maîtres anciens aux artistes contemporains.

L’exposition présente une centaine d’œuvres datant du 16au 21e siècle, signées Albrecht Dürer, Caspar-David Friedrich, Gustave Courbet, Claude Monet, Edouard Manet, Anna-Eva Bergman, Jan Dibbets, Hiroshi Sugimoto, Sophie Ristelhueber, Gererd Richter, Elina Brotherus, Tania Mouraud, Tom Nadan.. et une variété de médiums : peintures, dessins, gravures, installations, vidéographies. Un ensemble unique de traités de perspective, datant du XVIe au XIXe siècle, est également exposé, offrant un éclairage sur les théories artistiques de l’époque. Cette diversité permet d’appréhender l’horizon non seulement comme un élément pictural, mais aussi comme une construction intellectuelle et culturelle

Le parcours s’articule autour de plusieurs axes majeurs, offrant une immersion dans les multiples dimensions de l’horizon.

1. Horizon et perspective

Le parcours débute avec des œuvres emblématiques de la Renaissance, telles que Le Mariage de la Vierge du Pérugin (1504), illustrant l’utilisation de la perspective pour structurer l’espace. Des traités de perspective rares, datant du XVIe au XIXe siècle, accompagnent ces œuvres, mettant en lumière les fondements théoriques de la représentation de l’horizon.

2. L’horizon mis à nu

Dans la seconde moitié du 19e siècle, le paysage n’est plus le fond du tableau, ou le cadre de la scène : il est tout le tableau.

Entre 1856 et 1857, le photographe Gustave Le Gray a l’idée de réaliser deux prises de vue, l’une sur le ciel, l’autre sur la mer, avant de réaliser un tirage des deux négatifs sur la même feuille. L’horizon lui sert de ligne de trucage, où viennent se juxtaposer des réalités distinctes.

Amateur et collectionneur de photographies, Courbet s’inspire de ce procédé pour peindre une série de Vagues. À partir de l’été 1869, le peintre se rend à Étretat et explore à son tour la puissance d’union et de
désunion propre à l’horizon. Les vagues surgissant depuis l’horizon constituent un thème toujours fécond pour les peintres et les photographes.

Des artistes du XIXe siècle, tels que Caspar David Friedrich et Gustave Courbet, et bien d’autres explorent l’horizon comme métaphore de l’infini et de la quête spirituelle. Leurs œuvres invitent à une contemplation introspective, où l’horizon devient le reflet des émotions humaines.

3. Partage de l’horizon

Le sens du mot horizon connaît un renversement spectaculaire au cours du 1ème siècle. L’horizon ne se réduit plus à cette ligne qui circonscrit le champ de la vision. Il désigne désormais toute l’étendue offerte au regard de l’observateur depuis un point de vue donné.

La figure de l’homme dans le paysage, face à ou dos à l’horizon. Ensemble d’œuvres montrant des figures seules ou en groupe face au spectacle de l’horizon. La tension vers l’horizon prend des formes contrastées (inquiétude, loisir, sublime…).

L’horizon traduit aussi des inquiétudes. Les conflits, la crise écologique constituent des menaces dont le paysage devient le signe.

4. Suite sans fin. Devenirs abstrait de l’horizon

Pour l’histoire de l’art, la rencontre de la verticale à l’horizon constitue un moment décisif dans le passage à l’abstraction. C’est autant pour sa relation à la vue que pour sa fabuleuse plasticité que l’horizon devient, chez certaines artistes, le lieu d’une combinatoire exploratrice et infinie.

Préférant le rendu atmosphérique à la description précise des lieux, les artistes de la modernité ont suggéré plus que dépeint les paysages qui leur sont chers.

Pour l’atrium du musée, la dernière salle de l’exposition, Pieter Wermeersch a peint quatre marbres in situ – comme une remise de ce que peut être l’horizon :

« L’Horizon sans fin » ? une exposition comme une invitation à contempler et à réfléchir sur une notion universelle et intemporelle. À travers un parcours riche et diversifié, l’exposition offre une expérience esthétique et intellectuelle unique, soulignant la place centrale de l’horizon dans notre perception du monde.

Commissariat scientifique : Céline Flécheux, professeure de Philosophie de l’art, Université Paris 8 – Vincennes – Saint-Denis et Emmanuelle Delapierre, conservatrice, directrice du musée des Beaux-Arts de Caen.

Véronique Spahis

du 10 mai au 5 octobre 2025

Musée des Beaux-Arts de Caen, Le Château, 14000 Caen

Du mardi au vendredi de 9h30 à 12h30 et de 13h30 à 18h00 – Week-ends et jours fériés de 11h à 18h – du 1er juillet au 31 août : ouvert 7j/7 aux mêmes horaires

https://mba.caen.fr/