Abstraction et calligraphie – Voies d’un langage universel

Les musées sont fermés en France, ouvert ailleurs… comme le Louvre Abu Dhabi qui inaugure sa troisième saison avec l’exposition Abstraction et calligraphie – Voies d’un langage universel, avec 101 œuvres d’art issues des collections de 16 institutions partenaires. Cette exposition poursuit le travail muséographique unique du Louvre Abu Dhabi, qui explore les connexions entre les cultures en faisant dialoguer des courants artistiques parallèles ; ici, l’art abstrait du 20ème siècle rencontre la calligraphie, pratique qui remonte aux civilisations les plus anciennes.

Organisée en quatre sections thématiques, l’exposition met en évidence la richesse des échanges culturels à partir du début du 20ème siècle. Elle raconte comment les mouvements de l’abstraction se sont inspirés d’une multitude de signes et de symboles, de philosophies et de techniques artistiques qui ont fleuri loin des capitales européennes et américaines.

Des artistes tels que Paul Klee, André Masson, Vassily Kandinsky, Cy Twombly, Lee Krasner et Jackson Pollock ont cherché un nouveau langage universel pour exprimer leurs émotions au sein d’une société en pleine mutation, rompant avec les conventions de la figuration. Des influences similaires ont marqué la pratique de Dia Azzawi, Anwar Jalal Shemza, Ghada Amer, Shirazeh Houshiary et Mona Hatoum, également présentés dans l’exposition. Cette quête de nouvelles formes visuelles se poursuit aujourd’hui, avec des artistes contemporains tels que eL Seed et Sanki King, qui ont réalisé deux installations monumentales pour cette exposition.

La première partie de l’exposition est consacrée aux pictogrammes, des images figuratives symboliques qui représentaient des mots et des idées sous forme graphique dans les anciennes civilisations de Mésopotamie et d’Égypte. Parmi les œuvres exposées, se trouve une peinture de l’artiste suisse d’origine allemande, Paul Klee. Sa pratique, qui combine des éléments visuels et écrits, s’est nourrie de ses voyages en Tunisie et de sa fascination pour les hiéroglyphes égyptiens. Klee a à son tour influencé l’artiste espagnol Joaquín Torres-García, l’artiste irakien Dia Al-Azzawi et l’artiste pakistanais Anwar Jalal Shemza. Cette section présente également des œuvres du peintre et sculpteur américain Adolph Gottlieb, qui s’est inspiré de l’art amérindien, et du peintre français André Masson, qui a puisé dans les inscriptions figuratives de l’Inde du 17ème siècle et la calligraphie arabe

Poursuivant le fil de l’histoire de l’écriture, la deuxième partie de l’exposition s’intéresse aux signes, dont la forme peut exprimer à elle seule des idées universelles. Les visiteurs y découvriront les études de signes de l’artiste russe Vassily Kandinsky, considéré comme un des inventeurs de l’abstraction. Dans un acte de résistance au monde occidental ravagé par la guerre, beaucoup d’artistes se sont tournés vers le Japon et la Chine pour trouver l’inspiration. Les signes tracés par la peintre francohongroise Judit Reigl et le peintre franco-allemand Hans Hartung font ainsi écho aux symboles utilisés par les calligraphes chinois et japonais. L’exposition présente également des œuvres de deux artistes français : Georges Mathieu, qui a cherché à développer un geste vif et lyrique, et Julius Bissier, influencé par la philosophie chinoise du taoïsme. Le travail de Mona Hatoum, qui a entrepris de créer un nouvel alphabet de signes avec des objets trouvés, sera également visible dans cette deuxième partie d’exposition.

La troisième partie de l’exposition est dédiée aux linéaments. Elle montre comment les artistes occidentaux se sont approprié l’énergie de la calligraphie orientale et l’ont intégrée à leurs pinceaux pour produire des lignes fluides et déliées. S’opposant à la tendance artistique occidentale, le mouvement surréaliste inventa une technique de dessin qualifiée d’Automatisme, qui cherchait à traduire les soubresauts du subconscient. C’était leur manière de répondre à la période tumultueuse de l’entre-deux-guerres. Cette section expose les œuvres du surréaliste André Masson, et de ceux qu’il a influencé, de Jackson Pollock à Philip Guston en passant par Willem de Kooning. Les visiteurs pourront contempler des travaux de Jean Dubuffet, inventeur du concept d’Art brut, inspirés par les graffitis, la peinture rupestre et les dessins d’enfants. Les études de Cy Twombly pour les rideaux de scène de l’Opéra Bastille de Paris sont également présentées dans cette section, aux côtés de travaux de Lee Krasner; ces artistes furent tous deux influencés par les écritures coufiques de la ville irakienne de Koufa, berceau de la calligraphie arabe.

La dernière partie de l’exposition s’intéresse à la manière dont les artistes d’Orient et d’Occident ont incorporé la calligraphie à leurs pratiques. Le peintre espagnol Joan Miró ouvrit la voie en s’intéressant aux liens étroits entre peinture et poésie en Orient. Les poètes Brion Gysin, Henri Michaux et Christian Dotremont lui emboîtèrent le pas en peignant la poésie, inspirés par leurs voyages respectifs en Afrique du nord, en Chine et en Laponie. Leurs œuvres côtoient les études réalisées par Henri Matisse pour son livre illustré, Jazz, qu’il appelait “arabesques” en hommage à l’écriture arabe. Les visiteurs découvriront aussi comment des artistes régionaux, dont Shakir Hassan Al Said et Sliman Mansour, ont tenté de libérer la calligraphie de sa fonction purement linguistique. Deux installations monumentales originales réalisées par l’artiste franco-tunisien eL Seed et le graffeur pakistanais Sanki King structurent le parcours de l’exposition.

Visuels : Paul Klee, Oriental Bliss (1938), huile sur toile, collection du Louvre Abu Dhabi, Crédit photo © Département de la Culture et du Tourisme – Abu Dhabi / Photo: AFP | Vassily Kandinsky, Trente (1937), huile sur toile, collection du Centre Pompidou, Paris, Musée national d’art moderne / Centre de création industrielle, Crédit photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Philippe Migeat

Du 17 février au 12 juin 2021

Le musée est ouvert du mardi au dimanche, de 10h00 à 18h30, sur réservation. https://www.louvreabudhabi.ae/